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Tournoi de crachats de pépins au cyber-comico
Macron fait le méchant et Hollande le gentil : le statut des fonctionnaires en garde à vue
La perspective d’un doigt ou deux avant le 30 septembre, un tour de cour grillagée --- mais en plein air --- le 8 octobre, et le bras au prochain quinquennat. Tope là camarade ?
mardi 22 septembre 2015, par .
Défilé de têtes. Sarkozy opine. Bartolone déplore la fuite. Et tandis que Valls passe la serpillère, Lebranchu attend en embuscade la signature de son protocole PPCR. La FSU vient de se prononcer pour, tout en appelant à manifester le 8 octobre avec la CGT. Pour FO, qui ne s’associe pas le 8, ce sera non. Manque encore le paraphe d’une orga formellement représentative. Suspense...
En route tout le monde vers la curée ! À quelques semaines de Régionales unanimement pronostiquées comme une nouvelle branlée pour le team PS Inc., tout se passe comme si le travail de M. Macron consistait à faire en sorte que l’actuelle coterie présidentielle demeure maître de son destin — fût-il funeste. « Puisque ces mystères me dépassent, feignons d’en être l’organisateur » fanfaronnait Cocteau. Les duettistes Macron et Hollande ont manifestement fait leur la maxime.
Qui a dit qu’on touche le fond ? Le siècle débute à peine... Il reste au moins 5 degrés Celsius d’énergie fossile à portée de main. Peut-être dix ou douze en se démerdant bien. Et d’ailleurs, nom de Zeus ! c’est confirmé : montrer aux derniers électeurs [1] qu’ils comptent pour rien reste un précepte profitable. Aux derniers oracles, le FN serait en passe de mettre la main sur la Norpicardie à naître... sauf si le PS laisse la droite s’asseoir sur la lunette au dernier moment. Ça motive, non ?
Valls l’a dit : « Ce que nous écrivons aujourd’hui, c’est le contrat social du XXIe siècle ». « Un contrat social fidèle à ce que nous sommes, c’est-à-dire aussi attaché au statut des fonctionnaires ».
Neutrino et évanouissement
Aussi, si Macron déplore qu’« on va progressivement entrer dans une zone — on y est déjà d’ailleurs — où la justification d’avoir un emploi à vie garanti sur des missions qui ne le justifient plus sera de moins en moins défendable », c’est simplement parce qu’il est « moderne » et « de gauche ». Comme Sarkozy, qui craint également qu’on « n’échappera pas à la révision du statut de la fonction publique ». L’emploi garanti, c’est sûr que ça complique le clientélisme des élus de proximité et de cercles plus... éthérés, le turn-over et la servilité des agents. Voilà : tout le monde est finalement pour le statut, mais un statut de l’espèce neutrino (sans masse).
Évanouissement fatal. Le débat ne porte d’ailleurs pas là dessus. Mais le subtil Bartolone estime que, tout de même, « il y a des choses qui ne se disent pas ». Comme la non moins avisée Lebranchu. À l’exemple d’Ulysse, « il faut être extrêmement prudent, parler le moins possible et ne pas oublier qu’y compris dans un petit groupe de réflexion, il y a toujours quelqu’un pour reprendre une phrase que vous avez jetée. » Car « le seul souci que nous avions, c’était justement que je suis en pleine négociation avec les fonctionnaires et que cela n’a pas mis de l’huile dans les rouages ».
Ouh la menteuse ! Ça peut aider au contraire. Et si le chantage échoue, on pourra toujours accuser le Croquemitaine. Le protocole sur le parcours professionnel, la carrière et la rémunération (PPCR) est bouclé depuis le 17 juillet. Normalement, les tergiversations n’agitent plus que les adhérents des organisations syndicales responsables qui prétendent qu’elles consultent aussi les agents.
Signera... signera pas... la boule tourne dans la roulette. Deadline le 30 septembre. Avant-gardiste et responsable, le BN de la FSU s’est prononcé pour dès le 17 septembre. D’autant plus intrépide que nombre de ses syndicats l’avaient jugé « inacceptable », et qu’à quelques jours du scrutin grec, le « miracle Syrisa » ne semblait pas gagné d’avance. Depuis, la résignation et le réalisme ont largement progressé dans les masses et l’arrogance chez leurs bouviers. Les concessions pour préserver l’essentiel, ça paye deux fois son bureaucrate !
Essence et réformisme
Hélas, FO poursuit sa dérive gauchiste irresponsable et vient pour sa part de refuser à une large majorité le deal de Lebranchu. Une véritable posture de défi, quand Martinez déclare quant à lui, à quelques semaines du raout de la CES (Confédération européenne des syndicats) où ses camarades devraient élire un concurrent céfdétiste, que « Le syndicalisme, par essence, est réformiste ». Certes dans l’esprit de son malheureux prédécesseur, qui appelait aussi patrons et salariés « à réfléchir et agir ensemble dans l’intérêt de leur communauté ».
Le collectif Fonction publique de l’UGICT (cadres) a beau plaider que « ce projet est le résultat d’un rapport de force [2] qui a permis à la CGT de faire prendre en compte une partie de ses revendications même si elles sont encore loin de répondre aux attentes des salariés, y compris à celles des cadres et des techniciens ». Il a beau jurer que « le protocole ouvre la voie à de nombreuses négociations et à de nouvelles mobilisations à construire », la base « saine » pousse à casser les rapports de confiance patiemment établis ces dernières années entre les permanents de la Fédération des services publics et Madame-la-ministre-que-ça-pourrait-être-pire...
Valls a bien raison de jurer que « quand on a un ministre talentueux qui oeuvre pour notre économie et pour notre industrie, on le soutient et on le soutient jusqu’au bout ». Sauf que lui parle de Macron. Pas de Lebranchu (soupirs dans la tribune Montreuil).
Parisot, l’ex-taulière du MEDEF devisait : rien n’est éternel. Hollande abonde dans cette posture vaguement héraclitéenne : « être fonctionnaire, ce n’est pas être dans une position figée, ce n’est pas refuser la modernité, être fonctionnaire, c’est, au contraire, être toujours capable d’anticiper, de prévoir et de servir ». Ben voilà... Question d’équilibre. « Et c’est la raison pour laquelle le fonctionnaire a des droits, le statut, et a des devoirs et qu’il doit en permanence s’adapter, évoluer et être capable d’être au meilleur pour être au service du public ».
L’arbitre a sifflé. On a pu apprécier au cours de la partie que les joueurs sont tous parfaitement d’accord au sujet du statut. Tiens, comme pour le Code du travail, finalement...
Tonneau et bonneteau
Bon alors, qu’est ce qu’on leur veut à ces salauds de fonctionnaires ? D’abord, ce n’est certainement pas la dépense publique en tant que telle qui emmerde le patronat et ses divers mandatés. Non-non ! C’est la dépense publique « à perte », la part, ces restes qui sont encore distribués directement aux pauvres. Hormis sans doute pour les hardiscounters et les usuriers du crédit à la consommation dont c’est le coeur de métier que de se battre pour ramasser la donne publique en seconde main, ce tonneau percé des Danaïdes résiste scandaleusement. Le bonneteau de la loi NOTRe, quoiqu’on en dise, peine à le faire disparaître [3].
Car c’est bien connu : les fonctionnaires, quand ils bossent, sont massivement payés pour dilapider à d’inutiles pauvres déprolétarisés, des parasites encore plus fainéants et tarés --- c’est dire ! --- le fruit du travail des autres, les entreprenants, que l’État vampire a sucé par l’impôt.
Si l’État ne dépensait qu’en commandes publiques, tout irait bien quand même. À ceci près que le fonctionnaire, profiteur consubstantiel, usurpe toujours un salaire en échange de ses prestations de maquer... euh... de facilitateur du Marché. Aussi, dans l’économie saine et moderne, demain si tout va bien ou après demain sinon, tous les services seront enfin privatisés et mis en concurrence (sous la table d’un bon gueuleton). L’Europe ordolibérale y pourvoit. Et c’est limpide.
Bref, il faut confier au privé le travail archaïquement effectué par des fonctionnaires, car cela permet de dégager de la marge (du profit) au passage, et multi-incrémenter le PIB en sous-sous-traitant au rabais le boulot. Et comme le monde capitaliste n’est pas seulement le seul possible, mais en plus le meilleur (normal : c’est le bon Dieu qui a tout calculé d’avance !), si le boulot est mal fait, eh bien il faut recommencer [4].
Mouvement perpétuel
Le confusionnisme bat son plein. Tandis que les parisiens s’emploient à vider patiemment, méthodiquement, le statut des fonctionnaires de toute substance, la droite départementale se met en tête d’en fabriquer de nouveaux ! Idée géniale, alchimistique même (avec les moustaches de Dali) : transmuer les allocataires en fonctionnaires. Enfin non, pas en vrais fonctionnaires, tant que ce maudit statut... (c’est comme pour les emplois). L’argent foutu en l’air de toute façon servirait un petit dédommagement en échange d’un service. Pas vraiment méprisable... mais pas digne non plus d’un véritable emploi. Tout bénef ! Bref. Une machine d’auto-entretien des pauvres, qui rappelle un peu le mouvement perpétuel cher aux économistes orthodoxes. Cosmique !
Notes
[1] Les fonctionnaires, ça votait naguère socialo, n’est-ce pas ?
[2] Sic !
[3] Les pauvres de proximité. La persistance des circonscriptions cantonales. La tenue de permanences. Le casse-tête pour passer au scrutin de liste déterritorialisé comme au Régionales...
[4] Refacturer, oui. Dépassements de budget à prévoir : vice privés, vertus publiques, tout ça...